Contradiction de l’homme du XXIème siècle
Avis
aux amateurs et amatrices du Docteur House, vous serez servis en rencontrant
Alexandre. Ce jeune homme de vingt-trois ans lui même « cynique » et « arrogant »
aurait semble t-il trouver son alter ego en la personne de ce docteur de sitcom à succès irrévérencieux au plus
haut point dont il ne cesse de chanter les louanges. A le voir, tout de noir
vêtu, boucle d’oreille et regard sombre, on a l’impression d’avoir affaire à
l’archétype même du rockeur écorché vif d’un énième groupe de musique
underground. Imprévisible et fantasque, il est hors de question pour lui de
faire dans la dentelle en gardant ses opinions sur autrui qu’elles soient bonnes
ou mauvaises. La diplomatie ou la bienséance il ne connaît pas: « j’ai conscience d’être un emmerdeur doublé
d’un misanthrope au sale caractère, mais contrairement à beaucoup de personnes
j’ai des capacités. Je passe mon temps à me dire que les gens sont des cons
bien souvent incapables ». Constamment tenté par la solitude, il est
préférable de l’approcher de loin, comme pour mieux l’apprivoiser : « plus jeune j’étais encore moins
sociable, en vieillissant ça s’améliore, mais je n’aime pas avoir trop de gens
autour de moi. Même avec mes amis, il
ya toujours un moment où j’ai besoin de m’isoler ». Elitiste,
caustique il est persuadé d'assister à la fin d'un monde réfléchi et
intelligent, jusqu’à penser qu’en cas de conflit entre tous les débiles du monde et les surdoués il tiendrait le
rôle de médiateur. Même s’il se
définit comme un véritable « aimant
à emmerdes », bien loin de lui l’idée de se complaire dans son malheur
à l’instar de beaucoup d’autres.
« Un
paradoxe vivant »
Pourtant
le témoignage de son amie Charlotte, vient contrebalancer en partie ses propres dires : « Alex est un peu solitaire certes, mais c’est le joyeux luron de la bande, même si il est
souvent égayé par l’alcool ». Et
à regarder son parcours professionnel de
plus près on voit que ce dernier reste pour le moins atypique. Aujourd’hui
agent immobilier, celui qui petit rêvait de devenir policier pour « défendre la
veuve et l’orphelin » a tantôt été
serveur, barman, commercial, animateur dans un village de tourisme, des métiers
où le contact avec les gens est primordial. Paradoxalement à son aversion pour
le genre humain, le contact avec le particulier lui plait et l’amuse. Bien que
blasé et réaliste, il n’en demeure pas moins utopiste, prônant la primauté des
relations amicales et sentimentales sur l’appât du gain à tout prix, même s’il est vrai que «
l’argent permet de mieux vivre ».
Mis
face à ses propres contradictions, Alexandre reconnaît volontiers qu’il est « un paradoxe vivant »,
souvent un peu paumé. Au final, c’est plutôt d'un point de vue politique et
spirituel que social, que tout éloigne Alexandre d'une époque dont il ne
parvient pas à supporter la corruption morale et l'effondrement intellectuel.
La vie comme « mascarade »
Passionné
de sport extrême, il essaye de pratiquer l’escalade dès qu’il peut, pour se « vider la tête » et sortir de la monotonie du quotidien. Le
cinéma représente une véritable échappatoire pour ce cinéphile aguerri. L’espace
de quelques heures, il n’est pas obligé de se confronter à la vie qui n’est
souvent que « mascarade » à
son sens. Surtout si l’on regarde du côté de la politique : « je les déteste tous, de droite comme
de gauche, surtout le nimbo tyrannique et la dinde pimbêche qui aime faire du one man show ». Nationalisme, patriotisme autant de mots qui
ne sont que foutaises. Né en Italie, il ne se sent pas plus français
qu’italien : « si on a besoin
de s’identifier à un pays c’est par peur de se retrouver tout seul ». Autrefois
catholique fervent et aujourd’hui athée, cet ancien enfant de cœur italien, a remis la
plupart de ses idéologies en cause en arrivant en France à douze ans. Un
véritable déclic: « je me suis dit
avec toutes les conneries qui m’arrivent si Dieu existe c’est un bel enfoiré
avec moi ».
Un misanthrope par
intermittence
A
force d’expériences et d’observations de vie, qui viennent pour la plupart de
son enfance, Alexandre a perdu ses illusions et est en quelque sorte devenu
misanthrope. Fils unique, il n’a jamais connu son père, et a toujours vécu avec sa mère. L’absence du
père a été comblée en partie par son
grand-père maternel. Les non-dits sont nombreux au sein de cette famille « unie » dont la communication n’est pas la principale
vertu. Bien qu’affichant un air désinvolte, Alexandre s’est construit une carapace. Revêche il ne fait confiance à personne et surtout pas à la gente
féminine. Célibataire endurci, il
préfère papillonner au grès de ses besoins. Alors, pas question de lui parler
de mariage, il n’y croit tout simplement pas, et n’y voit « qu’un moyen d’entuber le fisc ». Quant à son futur, il le voit assurément sans enfants: « les
relations hommes/femmes étant trop éphémères de nos jours, ce qui a de plus
responsable envers un gamin c’est justement de ne pas en faire ».
Le
diagnostic pour ce jeune homme complexe souffrant de divers symptômes de personnalité semble difficile à
diagnostiquer. Misanthrope, il l’est en quelque sorte par intermittence.
Une sorte de mélange incongru de cynisme et d’humanisme contenu
dans le corps d’un seul homme.
Romy Luhern